Saint Martin de Boscherville

Abbatiale Saint-Georges de Boscherville

Un chemin de conversion

  Introduction
Ce texte veut vous permettre de découvrir que, rentrant dans cette église, nous sommes tous invités à faire un cheminement de conversion.   En avançant vous constaterez que sur votre côté droit (la gauche de Dieu qui trône dans le sanctuaire) des chapiteaux vous disent les difficultés, les combats pour accéder à Dieu. Tandis que sur votre côté gauche (la droite pour Dieu qui demeure au sanctuaire) sont exprimés tous les appels à la sainteté :   Ce petit préalable étant donné, commençons notre cheminement en profitant du parcours avec les tableaux, qui nous permettent de mieux saisir les sculptures des chrétiens du Moyen Age.   Sans nous arrêter à tous les chapiteaux, tous révélateurs, nous pouvons néanmoins nous arrêter à quelques un.   Ici tout nous parle de conversion, c’est-à-dire de tourner réellement toute notre vie vers Dieu.  


NB : Tous ces tableaux sont l’œuvre de Sylvie Dusanter (à Saint-Martin de Boscherville) et le fruit de ses longues et patientes recherches.

1) Avant de rentrer dans cette église, il nous est rappelé que nous sommes pécheurs.

Observez ce chapiteau à votre droite : la tentation d’Eve et d’Adam… et le serpent qui se love pour offrir le fruit défendu : Eve désobéit et donne le fruit à Adam.

Tous, nous sommes pécheurs !…

Nous le reconnaissons dans notre manière d’être et de faire. Venons demander pardon.

2) Remarquez ce chapiteau à votre gauche, le retour d’Égypte ; La Sainte famille ; dans l’obéissance, suit en toute confiance la ligne définie par Dieu.

     C’est avec Jésus, Marie et Joseph que nous sommes invités à pénétrer dans l’église.

3) Un monstre (symbole des instincts et des passions) veut attaquer l’oiseau symbole de l’âme spirituelle. Mais tandis que le monstre pose sa patte sur l’aile de l’oiseau pour l’empêcher de s’envoler, l’oiseau lui, pose son bec sur la tête du monstre : c’est le combat en notre cœur qui doit maîtriser nos instincts.

4) La grande oreille droite est là pour nous dire : « Si tu veux vivre, écoute la Parole de ton Dieu ». La règle de Saint Benoît commence précisément par ces mots : « Écoute mon fils les préceptes du maître et prête l’oreille de ton cœur ». Et moi ? Comment est-ce que j’écoute la Parole de Dieu, quelle attention ai-je à la lecture de l’Évangile ?

5) Le message est ici assez traditionnel dans l’art médiéval : le basilic est l’animal chimérique qu’il faut voir avant d’être vu par lui – sans quoi tu es mort !  – C’est le Malin (Satan) qui attaque ici un petit personnage, en menaçant de le dévorer. Mais, les bras en croix, ce personnage nous rappelle que Jésus peut nous sauver si nous nous confions à Lui…Dans le combat contre mon péché je dois en toute confiance solliciter l’Amour de Jésus Sauveur. Vigilance !…

6)  Le sanglier, est l’animal, qui fouille et qui cherche. Il nous rappelle ici que pour trouver Dieu il faut aussi le chercher !

     Quels temps, quels moyens est-ce que je prends pour chercher Dieu,… Prière, adoration… contemplation… lectures… formation… ?

7) Haut perché ce chapiteau est peu visible et pourtant… Profitons du tableau qui le reproduit : un âne qui veut sortir de l’église… un petit personnage qui le tire par la queue vers l’autel, c’est-à-dire sur le vrai chemin.Ténacité, fidélité dans notre relation à Dieu ! Ne démissionnons jamais ! C’est ici que Dieu nous attend, c’est en ce lieu qu’il souhaite parler à notre cœur.

8) La scène sculptée ici représente les Rameaux : Jésus sur un âne et l’on agite des rameaux autour de lui. Mais intéressons-nous aux deux personnages qui sont de part et d’autre. L’un (à votre droite) fait mauvaise mine, l’autre (à votre gauche) est heureux.

Le personnage triste ne porte pas de ceinture, l’autre oui. Or sachez que la ceinture est symbole de l’observance de la règle de Dieu.

Autrement dit, pour nous, observons le commandement de Dieu et nous connaîtrons le vrai bonheur !

9) Le combat des chevaliers : nous sommes ici de votre côté droit (le côté gauche du trône de Dieu) : On ne rejoint pas Dieu sans combats.

« Le salut d’un roi n’est pas dans son armée ni la victoire d’un guerrier dans sa force. Illusion que des chevaux pour la victoire : une armée ne donne pas le salut. » (Psaume 32) Est-ce que je ne compte pas trop sur ma seule et propre personne, au lieu de m’appuyer sur Dieu ?…

10)  Au-dessus de la scène des Rameaux : un relief représente le Christ en majesté selon la formule du psaume 109 : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : siège à ma droite, et je ferai de tes ennemis le marchepied de ton trône ». Confions-nous à Jésus, Il sera le vainqueur dans notre cœur.

11) Arrivant au sanctuaire, nous voyons Sainte Agnès présentée au XIIe siècle comme le modèle de la consécration à Dieu. Toute une végétation de palmes l’entoure. Tout ce que nous consacrerons à Dieu portera du fruit sans mesure. Ne limitons pas le don que nous faisons à Dieu : le véritable amour ne calcule pas.

12)  L’homme debout : Dernier chapiteau que nous remarquerons parmi tous les autres. Tandis que sous le porche d’entrée nous avions porté notre attention sur le serpent tentateur qui détournait Eve et Adam du projet de Dieu (c’est le péché d’origine) nous voyons ici l’homme qui tient le serpent d’une main ferme et de l’autre main il va écraser le mal dans l’œuf.Faisons donc ce chemin de conversion et nous serons vainqueurs avec le Christ ressuscité, Christ vainqueur du mal. Alléluia !

Abbaye st Georges, éléments historiques

Le site sacré

La première occupation du site où sera construite l’abbaye remonte à l’époque gallo-romaine où un temple carré avec une galerie en bois est édifié au Ier siècle apr. J.-C. Il est remplacé au IIe siècle par un fanum puis, à l’époque franque par une chapelle funéraire installée dans la cella du fanum. Le site est occupé du Ier au IIIe siècle, puis, à partir du VIIe siècle par plusieurs édifices chrétiens qui sont à l’origine de l’abbaye.

Sceau et contre-sceau de Robert de Tancarville

En 1055, Raoul de Tancarville ou Raoul-le-Chambellan installe une communauté de chanoines dans la petite chapelle funéraire de 15,50 m de longueur par 7,50 m de largeur. La chapelle devenue trop petite pour la communauté, la collégiale dédiée à saint Georges est construite sur l’emplacement du temple et du fanum, son chœur à chevet plat est sous la salle capitulaire actuelle et elle a un petit cloître. Une charte-pancarte de 1080 décrit les travaux avec précision.

Dans un premier temps, les chanoines enseignent et prêchent avec le soutien de l’aristocratie puis, devenus riches et puissant, s’attirent l’hostilité de leurs bienfaiteurs. Leur rôle ne résiste pas à la montée du monachisme avec ses valeurs de pauvreté et de vie communautaire. Comme la collégiale de Boscherville, une trentaine de collégiales normandes disparaissent. En 1113 ou 1114, Guillaume de Tancarville, chambellan du roi Henri Ier Beauclerc les chasse pour fonder l’abbaye Saint-Georges de Boscherville2.

L’âge d’or

Raoul de Tancarville (-vers 1066), chambellan de Normandie, fait une donation à la collégiale de Saint-Georges de Boscherville3.

Abside de l’église

Guillaume (I) de Tancarville (vers 1075-1129), fils de Raoul, chambellan en chef de Normandie et d’Angleterre4 fonde l’abbaye de Saint-Georges de Boscherville, S. GEORGIUS DE BALCHERI-VILLA, vers 1112/1113, qui remplace la collégiale fondée par son père. Grâce à son patronage, elle attire un grand nombre de donations, notamment celle du roi Henri Ier qui lui donne le port de Bénouville5. Celle-ci devient le lieu de sépulture de la famille. Les chanoines sont remplacés par une dizaine de bénédictins de l’abbaye de Saint-Évroult. Son abbaye-mère veut la garder comme prieuré, mais les fondateurs permettent par des dons à Louis, premier abbé de 1114 à 1157, de bâtir l’église et des bâtiments claustraux. Son successeur, Victor, abbé de 1157 à 1211, est un ancien moine de Saint-Victor de Caux. Il élève le cloître et un corps de logis, mais surtout la salle capitulaire qui montre son goût pour les Arts et où il est inhumé. Dans sa tombe, on trouvera une magnifique crosse d’abbé en laiton gravée et poinçonnée du début du XIIIe siècle. Pendant les quinze années de son abbatiat, Richard Ier doit défendre son autonomie que conteste toujours l’abbaye de Saint-Évroult, mais une bulle du pape Honorius III de 1225 met fin à leurs prétentions. Dans l’église, en 1235, la charpente primitive est remplacée par une voûte gothique.

De sa fondation jusqu’en 1244 s’étend la période la plus prospère de l’abbaye6.

L’entrée de la salle capitulaire

Le déclin

Les dons qui affluent sous la domination anglaise quand les Tancarville sont les chambellans du roi ralentissent, Guillaume IV de Tancarville partageant ses faveurs avec les Cordeliers de Rouen.

Entre 1249 et 1269, Eudes Rigaud, archevêque de Rouen, vient presque tous les ans à l’abbaye et constate le désordre, les moines ne sont plus que vingt, ils permettent aux étrangers l’accès au cloître, les restes de la table ne sont plus distribués aux pauvres mais aux domestiques, ils sont dépourvus d’une bonne Bible pour la lecture en commun et l’abbé quitte les offices, surtout ceux de mâtine. L’archevêque recommande de mettre de l’ordre et, en 1267, il constate que tout va bien.

En 1305, disparaît le dernier des Tancarville qui ont toujours été fidèle à l’abbaye. Elle passe aux d’Harcourt puis aux Orléans-Longueville qui ne l’oublie pas et l’abbaye adopte pour elle-même les armoiries de ses bienfaiteurs. Lors de la visite du roi Charles V en 1322, les moines ne sont plus que dix à quinze.

En 1390, le monastère vend le seul prieuré en Angleterre qu’elle a pu conserver. Ce prieuré se trouvait dans le village d’Edith Weston (Rutland). En 1412, l’abbé Guillaume-Étienne obtient du pape, pour lui et ses successeurs, le droit de porter crosse et mitre.

Pendant la guerre de Cent Ans, les terres de l’abbaye sont ravagées et il faut réparer l’église et le cloître. Au XVe siècle, il ne reste plus que huit moines qui ne peuvent remplir les charges imposées par les bienfaiteurs, mais les vocations reprennent et, en 1502, ils sont 12, puis 20 religieux en 1530. Antoine Bohier est le seul des abbés réguliers a accéder aux hautes fonctions ecclésiastiques et meurt cardinal archevêque de Bourges.

Abbé Antoine Le Roux 1535

De 1506 à 1535, l’abbé Antoine Le Roux dont on a la très belle pierre tombale reconstruit une partie du cloître. Avec lui se termine la longue liste des abbés réguliers7.

La décadence et la fin

La mise en commende de l’abbaye où le roi donne à un grand seigneur, un étranger, revêtu du titre pour jouir des revenus, ayant des intérêts toujours distincts de ceux des religieux, résidant bien à part, dans une enceinte à lui réservé, ou au loin dans un château, un évêché, un bénéfice plus riche, est rarement un bénédictins. Il est remplacé dans l’abbaye par un prieur, il n’y a plus d’émulation, la discipline se relâche. Parmi ses abbés, deux cardinaux de la famille d’Este qui ne sont probablement jamais venus à Boscherville..

Un autre désastre s’abat sur l’abbaye, les guerres de Religion. En 1562-1570, les religieux s’enfuient et se cachent face à la fureur des protestants, l’église est dépouillée de tous ses ornements et de son mobilier, tous les bâtiments sont mis à sac. En 1590, on tente d’incendier l’église, le feu consume la maison abbatiale, le cloître et l’habitation des religieux sont ruinés.

En 1625, huit pendants d’ogive de la nef sont entrouverts et menacent ruine. De 1626 à 1676, l’abbé commendataire Louis de Bassompierre, évêque de Saintes, introduit la réforme de Saint-Maur et reconstruit une grande partie des bâtiments claustraux. En 1659, la congrégation de Saint-Maur qui a déjà sauvée de nombreuses abbayes négocie avec les religieux en place qui conservent leurs habitudes et le droit de nommer le prieur et les mauristes s’installent le premier décembre 1660.

En 1690, Jean Louis Charles d’Orléans-Longueville, fils de la célèbre duchesse de Longueville, pose la première pierre du grand logis avec la salle capitulaire et les dortoirs. Les jardins sont tracés, l’église reçoit un mobilier luxueux.

Jean Louis Charles d’Orléans-Longueville

Le duc de Longueville, faible d’esprit, est en 1672 soustrait aux regards, donne son droit d’aînesse à son frère et un quartier spécial lui est réservé avec ses domestiques dans l’abbaye où il meurt en 1693.

L’abbaye en 1700

En 1790, le nombre des religieux est tombé à sept. Le 13 février 1790, l’Assemblée nationale décrète la suppression des ordres religieux donc de Saint-Georges de Boscherville. Le 28 avril 1790, les officiers municipaux de la commune de Saint-Martin-de-Boscherville prennent note du contenu de l’abbaye et signifient aux religieux qu’ils ne sont plus chez eux.

Lors de l’adjudication qui ne comprend pas l’église, un marchand de Rouen achète la maison abbatiale et claustrale avec les cours et les jardins. Une manufacture est installée dans le grand bâtiment mauriste.

L’église est en bon état, avec un mobilier suffisant, un jeu d’orgue complet alors que l’église et les bâtiments de la paroisse de Saint-Martin de Boscherville sont en ruines, les habitants décident de garder l’église de l’abbaye comme église paroissiale pendant que l’ancienne sert à la production de salpêtre.

Sculptures du cloître publiées en Angleterre en 1822 par Cotman

Le 20 décembre 1791, la fabrique arrête que, le dimanche suivant, les paroissiens se réuniront dans l’église abbatiale. Les habitants apprécient la valeur du trésor qu’ils possèdent par les lignes élogieuses écrites en 1820 par l’anglais Taylor et Nodier dans leur Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, le comte de Laborde dans les Monuments de la France de 1816-1826, l’anglais Cotman en 1822 qui publie des dessins de l’église et des chapiteaux dans Architectural Antiquities of Normandy et l’archéologue Arcisse de Caumont dans le Bulletin monumental. Quand la manufacture s’arrête, que le propriétaire vend les pierres au détail, que la salle capitulaire sert d’écurie et que son tour arrive, elle devient propriété du département en 1822. L’église et la salle capitulaire sont sauvées8.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0. Source : Article Abbaye Saint-Georges de Boscherville de Wikipédia en français (auteurs)